Aller au contenu

Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
IRÈNE ET LES EUNUQUES

par l’unique force de son talent observateur. Il concentrait en sa seule ambition les vigueurs de son être, avec l’espoir vague de soumettre un jour ceux-là qui l’avaient asservi, honteusement mutilé. C’était, à condition de ne pas lui laisser rompre le frein, un auxiliaire sans égal. Jean d’ailleurs le mâtait.

Irène, dit un pieux historien, « les prit pour l’éclairer et non pour la conduire. » Pourtant c’étaient eux qui régentaient la vie du Palais, de cette cité énorme, de ses églises, ses trésors, ses trois mondes militaire, ecclésiastique, administratif, circulant dans l’ensemble des salles immenses, des édifices divers, le long des quais, sous les arcades basses de l’Hippodrome, et sans cesse occupé à s’unir en factions, à tramer des complots avec un art spécial créé pour cela, une sorte de sport aristocratique qui consumait l’existence de cour.

La ville était une tout autre chose, plus inconnue de ces patriciens, de ces eunuques, que les postes militaires des confins asiatiques, où, tour à tour, ils allaient commander, et s’user en tentatives périlleuses afin d’attacher à leur fortune individuelle les mercenaires barbares pour reparaître, un jour, sous les murs de la ville impériale, chaussés de pourpre, la couronne des basileis au front, près de triompher, prêts à subir courageusement le dur supplice des yeux crevés, s’ils ne gagnaient point la partie.

Eutychès n’ignorait aucun système de conjuration. À tous, il avait été mêlé depuis l’adolescence