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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/136

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Le désir de faire vibrer un peuple au souffle de son esprit la tenait haletante et pâmée quand la foule approbative poussait vers elle ses flots humains secoués de clameurs favorables. Elle imaginait que tout cet élan de la multitude pénétrait sa chair tressaillante. Elle communiait, presque sous les espèces sensuelles, elle, principe actif et fécondant, avec cette foule passive, enthousiaste comme une amante, et palpitant comme l’épouse à l’approche de l’époux.

Ce délire d’élue, elle l’éprouva surtout durant le voyage qu’elle accomplit à travers ses États. Dans tout l’éclat d’une gloire récente dont le peuple s’était déshabitué, elle parut aux foules pieuses ainsi qu’une seconde incarnation de la Panagia. L’or des réserves isauriennes alimentait ses perpétuelles largesses. Elle semait, sous les sandales des passants, les monnaies nombreuses, symboles infaillibles pour enchanter les âmes.

Sa marche d’ailleurs fut marquée par des œuvres. Elle reconstruisit les villes que les guerres avaient détruites. Elle fonda des colonies pour les pauvres. Elle dota les monastères communistes. Ainsi confia-t-elle à l’économie des moines, la ville de Berrhoë qu’elle releva parmi ses ruines, et qu’elle nomma Eirenopolis.