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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/23

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

d’athéisme, après avoir été déposé, puis remplacé par l’esclave-eunuque Nicétas, destructeur des mosaïques, des tableaux, des bas-reliefs en cire et en bois représentant les saints. Souvent aussi la plèbe militaire s’amusait des grimaces provoquées par la douleur sur le visage grésillant de ceux que d’athlétiques belluaires aveuglaient avec des fers rouges. On aimait voir le sang gicler des dos que zébraient les verges vivement abattues par les poignes des scholaires aux guêtres de cuir. Les flaques rouges luisirent dans le sable fin de l’arène, presque chaque jour, sous les cadavres convulsés.

D’autres fois, le peuple multicolore et tumultueux, les femmes criardes, coiffées de fleurs, admiraient, tantôt, les deux mille cinq cents robes de soie chinoise que les esclaves étalaient sous ses yeux avant de les envoyer aux Sclavons comme rançon des Grecs capturés aux combats de Tenedos, d’Imbros et de Samothrace, tantôt le cortège des Césars Christophe et Nicéphore, fils de l’impératrice, triomphant avec leur nouveau titre dans des chars d’ivoire et de bronze orfévrés, aux quatre roues pleines, aux quatre étalons blancs que menaient des écuyers porteurs de souples aiguillons. Accoudés, chacun sur l’un des dauphins dorés qui bordaient le siège profond du véhicule, les princes demeuraient immobiles dans leurs manteaux coruscants, la barbe roide, et le front chargé de joyaux. De temps à autre, ils jetaient vers les gradins, en signe de leur pouvoir consulaire, des monnaies trémisses et