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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/243

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

effroi vers la hauteur de Daphné, jusqu’à perdre haleine.

Théodote a couru plus vite. Elle tombe essoufflée au bout d’une galerie, devant le spectacle du Bosphore.

Verte et bleuâtre, luit la mer qu’encadrent les vantaux écarlates repliés à l’intérieur. Plus loin que les agitations des eaux, brillent, sur la côte asiatique, les façades des palais et les feuillages des jardins. Entre les collines noires de leurs cyprès, mille incendies se développent. Des fumées tourbillonnent, s’accumulent et planent contre le ciel radieux.

— Comme les iconoclastes avancent vite, avec l’incendie !… pleure Théodote… Là, là, toute la rive de Bithynie pétille ainsi qu’une seule torche…

Marie l’Arménienne se résigna :

— Bientôt ils atteindront les jardins de Saint-Mamas ; et le palais aussi flambera.

Silencieuses, accoudées l’une auprès de l’autre, dans l’énorme baie ouverte sur l’espace, Théodote et Marie grelottent. Leurs grands voiles les enveloppent, se mélangent, celui de Marie bleu, sans garniture, celui de Théodote orangé avec une frange d’olives violettes. Leurs robes se confondent, l’une de losanges en fils d’or, l’autre de lin blanc, où jouent les broderies de licornes rouges. Toutes deux étouffent leurs plaintes dans les plis des étoffes qui serrent leurs épaules sanglotantes, leurs têtes penchées, leurs tailles et leurs hanches secouées de frissons. L’écho d’un gémissement,