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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/340

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

détestait les hommes, les moines particulièrement. À l’opposé de sa coutume, il ne quitta plus les salles de conseil. Examinant les pièces administratives méticuleusement, il relevait les erreurs sur l’avis de fonctionnaires humbles, intègres, sévères et méconnus qui se jouaient ainsi de leurs tyrans, tout à coup. Les concussionnaires et les agioteurs du Palais furent malmenés, destitués, punis, sans miséricorde. Nouveauté terrible et qui donna de l’angoisse à toute la foule des aigrefins, des écornifleurs, des intrigants, des intermédiaires, des suborneurs, des entremetteuses, des fonctionnaires, des soldats, des intendants ou des cubiculaires, lesquels trafiquaient clandestinement de toutes choses matérielles et morales.

Bien que les eunuques n’ignorassent rien de ces divers commerces, ils les toléraient, chassant toute illusion favorable à la probité de ces hommes avides et ambitieux. Pharès répétait qu’un malandrin avisé sert mieux l’État qu’un honnête imbécile. S’il prélève sur les bénéfices du trésor son larcin, il remplit du moins ingénieusement, avec le reste, les caisses officielles ; tandis que le sot impeccable appauvrit, par ses scrupules inopportuns, et l’empire et lui-même. En outre, Eutychès professait qu’un personnage équivoque appartient mieux aux chefs capables de le menacer de révélations, s’il n’obéit. Quiconque a commis un obscur méfait, par cela même, demeure au pouvoir de celui qui s’en doute à point. D’après ces judicieux principes, les logothètes gouvernaient le monde rétif et nombreux