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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/448

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

avec ses bâtons, ni de rire, d’une manière sauvage, et tant, que leurs grosses langues blêmes, leurs dentures ébréchées apparurent jusqu’au fond des gorges. Ensuite Karl s’agenouilla pesamment : il se mit à traire une ânesse dans un gobelet d’étain qu’il remplit, qu’il vida par quatre fois, sans se relever. À chaque lampée, les Francs crièrent « Hoch ! Hoch ! », et se claquèrent les cuisses en signe de joie. Leurs blouses de laine gonflaient laidement sur leur dos. Leurs colliers d’or n’étaient pas travaillés. Dans leurs bagues de plomb s’enchâssaient des pierreries superbes et très rares, dignes d’orner les iconostases. Leurs figures rougeâtres étaient rasées de près, et leurs chevelures blondes serrées en des bandeaux de cuir vert. Mille taches souillaient leurs brayes. Par contre, avec leurs longues tresses mêlées à des rubans d’argent, leurs joues rondes, leurs yeux bleus, et leurs robes impudiques collant à des corps mamelus, les femmes étaient belles, en dépit d’une gaucherie sournoise. Que Jean fut un eunuque, ce les bouleversait. Elles l’examinaient insolemment, puis rougissaient quand ses regards les prenaient en faute de curiosité luxurieuse. Aussitôt elles cachaient leur confusion en se parlant à l’oreille, et en riant aux éclats comme leurs époux, leurs frères, leurs amants.

Bythométrès fut reçu dans des salles bassement voûtées, garnies de stalles en bois sans sculptures, et de tables en pierre très polie. Aux murailles resplendissaient les boucliers pendus, les épées, les lances