Aller au contenu

Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
IRÈNE ET LES EUNUQUES

rait. La Rayonnante Douleur saignerait encore ; et cela se passerait à Éphèse. Dans les chaumières de la plaine, des femmes grosses tressaillirent. Sortirait-il de leurs flancs, l’Élu ? Et certaines qui se croyaient près du terme allaient coucher la nuit dans les étables, comme Celle que l’Ange avait fécondée, ne voulant plus savoir si leurs époux les avaient déflorées, un jour.

Quel autre miracle, en effet, eût pu faire accourir de l’horizon cette multitude de bonnes gens, moines, religieuses, solitaires, ceux aux fronts rasés, et ceux vêtus de bure avec de longues barbes, et celles qui ont des manteaux couleur de nuit avec des croix riches comme des couronnes impériales, et celles en tuniques noires avec des voiles bleus ; et celles-là, même, qu’on n’avait jamais vues, qu’on savait seulement vivre dans les cryptes, depuis leur premier vagissement, filles pâles qui portent, rivé par une chaîne de fer, un crâne sous la main dont elles se servent pour prendre la nourriture.

Vers le soir, quand le soleil commençait à rougir la mer, les laboureurs dételaient plus vite les bœufs afin de rejoindre les pâtres sur la plage ; et ils regardaient courir vers eux les galères écarlates, les dromons noirs, les chélandia massifs chargés de monde. Quels cantiques montaient de cette foule dans l’air rose ! La mer Égée se couvrait alors comme d’une neige d’argent que la brise de terre ne cessait d’émouvoir. Quels chants frêles et profonds s’élevèrent avec ces voix pendant les crépuscules.