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Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/14

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lance sans égale ; elle ne brave pas le danger, elle le cherche ; elle subit la chute qui, à ses yeux, est un triomphe, car elle a voulu vaincre les scrupules d’un amour austère, d’un spiritualisme orgueilleux, ennemi des passions ; elle lutte pour amener à sa manière d’aimer, qu’elle estime la seule bonne et la seule vraie, cet homme qu’elle aspire à rendre heureux par le développement de toute sa valeur. L’homme essaye, résiste, se donne, se reprend, craint de briser une carrière dont le célibat est la première condition. Sa personnalité est très-forte, la lutte est puissante. La femme eût-elle triomphé si elle eût été vraiment femme ? madame de Saman échoue volontairement. Elle se blesse, elle se lasse, elle s’enfuit, et dans quelles circonstances ! Elle va être mère ! Est-ce une vengeance ? Veut-elle punir l’homme encore fortement épris, qui ne lui offre qu’une demi-protection ? Non. Cette femme étant d’une sincérité entière, n’a pas un instant de dépit ni de blâme pour celui qu’elle quitte ; elle dit simplement : « Il était ambitieux ; j’en souffrais, mais je comprenais cela, étant ambitieuse aussi. » Elle avait essayé de faire comprendre l’idéal d’une fidèle union, avec un dévouement mutuel, intelligent, fécond. Elle rencontre l’obstacle d’un caractère peut-être inférieur au sien, différent à coup sur. Elle est fatiguée, l’ennui la prend. Elle se demande où va cette entreprise, si ce but mérite tant d’efforts, si elle ne poursuit pas une