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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/114

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

de cette correspondance entre sa belle et charitable visiteuse et l’odieux Jacob !…

Quant à la baronne elle était fixée. Elle se contentait de la promesse qu’elle venait de recevoir.

— Eh bien, dit-elle au charpentier, sur le franc visage de qui elle lisait une véritable anxiété, voici ce que j’ai à vous offrir. Je me rendais au Mont-Dore, où les miens m’attendent, lorsque j’ai été amenée à venir ici… Voulez-vous me confier le jeune garçon ? Je vous le rendrai quand vous serez libre… guéri…

— C’est un acte de grande bonté, madame, balbutia le charpentier. Je ne sais vraiment si je puis accepter. L’autre n’y est pour rien au moins ?

L’autre n’y est pour rien, dit la baronne en souriant, et il faut accepter. Cet enfant a déjà couru des dangers sur les grands chemins… à ce que j’ai compris tantôt. Je vous le garderai jusqu’à ce que vous veniez me le réclamer. Quelque chose me dit que j’ai raison de vous le demander… et que j’en serai récompensée… Faites-le donc pour moi.

— Ah ! madame, s’écria Bordelais la Rose vivement ému, vous avez, je le vois, la superstition de la charité : c’est une belle superstition, celle-là ! Oui, je sais, vous avez perdu votre enfant… on vous l’a dérobée… Que Dieu vous assiste ! Et agissez selon votre volonté…

Le lendemain matin à neuf heures, la baronne du Vergier et Jean prenaient la voiture de Largnac. La baronne monta dans le coupé ; mais Jean demanda comme une faveur la permission de grimper sur la banquette, « pour mieux voir le pays ».

Quand il fut commodément installé, il eut un éclair de folle joie : ce n’était qu’un enfant après tout ! Oubliant un moment quels motifs impérieux et pénibles l’avaient amené de Paris en Auvergne, il poussa ce cri :

— Veine ! Il me semble que je fais le tour de France !

Le petit Parisien ne pensait pas si bien dire.

La voiture, roulant vers le nord, suivait une route tracée à travers la partie occidentale du massif central de notre pays, avec les montagnes d’Auvergne à sa droite, et un peu plus haut, à sa gauche, les monts du Limousin. Cette route est très pittoresque.

C’est d’abord le Vigean avec son vieux château de Chambres flanqué de tours, puis Jaleyrac, dominé par son église, construction romano-byzantine du douzième siècle. La route descend par de nombreux lacets, laisse à gauche Sourniac et ses châteaux ; elle franchit la Sumène, rivière qui va se