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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/288

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

à la ligne au bords des plages, le sergent « bleu » aimait à raconter cette histoire aux familiers qui l’entouraient, façon à lui de soulager sa conscience d’honnête homme des quelques remords que lui procurait le souvenir de l’acte de justice sommaire, accompli par ses ordres dans les rues du village de Fontenoy.

Mis au courant de ces faits, Jacob Risler s’était promis de ne pas quitter le Havre sans avoir rendu visite à l’ancien sergent, et, s’il était possible, sans être entré en possession de ces « petits papiers » dont avait parlé Mathurin. Sur ces entrefaites, la nouvelle arriva au Havre du naufrage du Richard Wallace et de la mort du sauveteur. Sur l’heure même, Jacob et Hans se présentèrent au domicile du défunt, et réussirent à s’emparer du carnet du sabotier fusillé et des papiers qu’il contenait, parmi lesquels figurait, on le sait, une liste de détenteurs d’armes, dressée de la main même du dénonciateur.

La pauvre vieille Adélaïde ne savait pas en ce moment que son Jean Reculot venait de périr à la pointe de Barfleur : des voisins chargés de lui apprendre le triste événement, se concertaient pour la préparer à ce deuil.

De tous ces faits, le petit Parisien ne connaissait encore que la soustraction des papiers. Il ne manqua pas de s’informer de la durée de la fête foraine : il avait plusieurs semaines devant lui.

Mais pourquoi le juge de paix n’intervenait-il pas ? se demandait Jean. Il eut enfin le mot de l’énigme : il lui fut donné par le commissaire du quartier d’Ingouville : le juge de paix lui avait passé la réclamation.

Le commissaire envoya chez la vieille Normande son secrétaire, — un ancien ami de Reculot — et la bonne femme confirma sa plainte de vive voix. Jacob Risler et Hans appelés chez le commissaire, nièrent effrontément avoir rien dérobé au domicile du sauveteur…

Ce fut en vain que Jean essaya de démontrer toute l’importance pour lui de la soustraction du petit carnet. Ce n’était pas un vol d’une valeur pouvant se chiffrer. L’affaire en resta là. Ce que voyant, Jean se promit de tenter à son tour de mettre la main sur le carnet révélateur.

Il partagea son temps entre le théâtre des Fantaisies dramatiques où Emmeline dansait sur la corde raide, et la loge du célèbre Marseille. Hans Meister finit par s’étonner de l’assiduité de ce garçon autour de sa caisse et, en y regardant de plus près, il reconnut le « neveu » de son ancien associé, — à qui il avait tant de fois promis un châtiment proportionné à son ressentiment, au mauvais sang que le jeune garçon lui avait fait faire.