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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/302

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Ici, elle est comme ma mère, répondit l’enfant en rougissant, mais ce n’est pas ma mère. Tout le monde l’appelle madame Emmeline, à cause de moi. Je lui dis maman… parce qu’elle l’exige.

— Tu obéis, comme ça ?

— Il le faut bien !…

La petite fut violemment tirée en arrière, et Jean vit que c’était « madame Emmeline » qui l’entraînait. Il revint tout songeur à Ingouville, et après avoir souhaité une bonne nuit à la vieille Didi et s’être assuré qu’elle ne manquait de rien, il monta dans sa chambre et écrivit à Maurice du Vergier.

Il apprenait à son camarade qu’il avait découvert au Havre une petite danseuse de corde ayant plus d’un trait de ressemblance avec l’enfant que ses parents cherchaient partout. Il priait le jeune homme de n’en rien dire ni au baron, ni à la baronne surtout, jusqu’à ce qu’il eût eu le loisir de questionner davantage la petite fille. Après cette petite communication, Jean racontait les incidents de la journée, se lamentant sur la fuite de l’Allemand qui mettait à néant ce qu’il pouvait avoir conservé d’espérance…

Le lendemain, Jean venait de jeter cette lettre à la poste, lorsqu’il fut abordé par un employé du commissariat d’Ingouville ; le commissaire engageait Jean Risler à passer à son bureau : il paraît qu’il y avait du nouveau.

Le jeune garçon ne se le fit pas dire deux fois : c’est au pas de course qu’il se rendit à cette invitation. Il y avait du nouveau, en effet : la veille, à Rouen, sur la plainte de plusieurs voyageurs effrayés, un Allemand avait été arrêté dans son voyage comme donnant des signes d’aliénation mentale. On demandait de cette ville des éclaircissements sur ce singulier personnage, et le commissaire d’Ingouville pensait que ce pouvait bien être le batteur de caisse du Champ de foire dont la « nourrice » de Reculot et le petit Parisien prétendaient avoir à se plaindre.

— C’est peut-être bien Hans Meister, dit le jeune garçon ; mais comment le savoir ?

Le commissaire réfléchissait :

— Tenez ! s’écria Jean, voici mon moyen : je vais partir sur l’heure pour Rouen. Ce n’est ni bien loin ni bien cher ; je reviendrai vous dire si ce fou est l’homme dont nous avons à nous plaindre. Si c’est lui, je suis sûr que le carnet et les papiers en question seront trouvés en sa possession.

On ne pouvait rien faire de mieux. Jean partit donc après avoir prévenu la vieille nourrice, et il arriva à Rouen un peu après midi.