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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/335

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Qu’il vienne : il sera bien reçu, dit-il, pour lui apprendre à aller « drait » devant lui.

— Vère ! s’écria la mère Quévilly en train de plier du linge qui sentait bon l’iris ; rien que d’entendre dire tout ça, j’en suis tout ensangmêlée !

Sur les assurances qu’il recevait, Jean alla prévenir le maire. Cela fait, il ne restait plus qu’à se mettre à la recherche du garde champêtre Pitoiset, commission dont Jean se chargea volontiers.

Quelques minutes plus tard, suivi de Barbillon, il côtoyait la lisière du bois du Mont-Mal, où il devait, selon les indications du maire, rencontrer le garde champêtre. Les deux jeunes garçons s’entretenaient de l’abbaye du Bec, et Barbillon, qui avait polissonné aux alentours de Rouen, assurait avec raison, que les restes de l’abbaye de Jumièges — à quelques lieues au nord du Bec, et dans l’une de ces presqu’îles que forme la Seine grâce à ses méandres — offrait des ruines bien autrement pittoresques : les deux tours de la façade de son église, la tour du milieu, les arceaux, les piliers sculptés… Tout cela vu du bord du fleuve. C’est à la suite d’une partie de canot faite à Jumièges avec de joyeux camarades, que la tante Pelloquet, se fâchant pour tout de bon, avait décidé que son neveu le canotier serait mousse et tâterait de l’eau salée.

Comme Barbillon s’étendait selon son habitude sur le chapitre du caractère revêche de la tante Pelloquet, un homme de mauvaise mine surgit tout à coup de derrière les arbres du bois, armé d’un épais bâton fraîchement coupé. Jean poussa une exclamation de surprise et de frayeur en reconnaissant Hans Meister, et devina à son air farouche qu’il méditait de sinistres desseins.

— J’ai l’honneur ! fit l’Allemand pour entrer en matière. Ah ! Tarteiffle ! l’occasion est bonne, ajouta-t-il ; et il y a trop longtemps que ça dure ! Chacun son tour !

C’est en vain que Jean recula de quelques pas. L’Allemand, de sa large main nerveuse, le saisit par le collet de sa blouse et le souleva, tout en tenant à distance Barbillon qu’il menaçait de son bâton.

Jean se mit à crier et à lancer des coups de pied dans les jambes de son agresseur.

Barbillon réussit à saisir le bâton et essayait de l’arracher à l’Allemand ; mais celui-ci jeta au loin avec violence le pauvre enfant qu’il tenait suspendu. Jean tout étourdi tomba entre deux jeunes arbres qui s’écartèrent sous son poids pour reprendre leur position en le retenant captif par le bras et l’épaule gauches. L’Allemand, se sentant maître de lui, tourna sa fureur contre Bar-