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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/343

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

vint peu à peu une belle vallée de prairies et de vergers, animée par de nombreuses usines. C’est ainsi que le petit Parisien arriva à Lisieux.

Tout affligé qu’il fût à la suite de tant d’événements pénibles, bien faits pour l’accabler, Jean ne se désintéressait nullement de la vie et du bonheur des autres. Humble et pauvre plus que jamais, il avait l’orgueil de la fortune de tous. Il ne cessait de remarquer combien la Normandie est belle et riche. À Lisieux, de la gare, il fut tout réjoui de voir les nombreux établissements industriels qui se pressent autour de la ville : fabriques de draps, de toiles cretonnes, filatures de coton, tanneries… Au fond d’une vallée baignée par deux rivières (la Touques et l’Orbiquet) la ville élevait les deux belles tours de son église Saint-Pierre, le clocher d’ardoise de l’église Saint-Jacques et, plus près de la gare, le petit dôme moderne de l’église du couvent des Carmélites.

Comme Jean demandait les noms de ces édifices, un jeune Normand, grand garçon à la barbe blonde, bien peignée, aux yeux gris bleu voilés par un pince-nez, à la tenue irréprochable, assis sur la même banquette que Jean et qui avait décliné sa qualité d’instituteur primaire, prit la parole, persuadé de trouver dans le petit voyageur un auditeur attentif.

— Vous ne connaissez pas la Normandie ? demanda-t-il, devinant la réponse qui lui serait faite.

— Pas beaucoup, dit Jean. J’ai pourtant vu le Havre, Rouen, Elbeuf, Évreux, Conches, le Neubourg, Brionne, mais très rapidement, et avec des préoccupations…

— C’est en détail qu’il faut la visiter : elle en vaut la peine, dit le jeune homme blond ; et il ajouta :

« La Normandie, avec un rendement d’impôts qui constituerait le budget des recettes de bien des royaumes, est en état de nourrir une population plus dense que la moyenne du reste de la France. Des cinq départements dont elle est composée, celui de la Seine-Inférieure est le plus riche et le plus peuplé. Notre belle province est au premier rang par le nombre de bras qu’elle occupe, par les richesses de son agriculture, et les productions de son industrie.

» Les céréales que rendent son sol pourvoient et bien au-delà aux besoins de la consommation locale. Le pays de Caux et le pays de Bray sont riches en blé, avoine, colza, seigle, orge et chanvre ; la récolte du cidre y est excellente ; de vastes fermes exploitent les terres labourables du plateau du pays de Caux ; les herbages du pays de Bray nourrissent des troupeaux de vaches