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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

noyers, des châtaigniers, des pruniers, des pêchers, et surtout des pommiers et des poiriers ; — les pommiers ! les vendanges normandes ! Avez-vous jamais vu, mon ami, des bannerées de pommes mûres, déposées en tas sur des draps blancs étendus à terre à la porte du pressoir ?

» Quoi encore ? se demanda l’enthousiaste Normand, pour reprendre haleine.

» Dans les nombreuses rivières du pays, poursuivit-il, on pêche le barbeau, la carpe, la truite, la perche, le goujon, l’anguille, l’écrevisse, — le saumon et l’alose remontent la Seine et la Rille.

» Dans les forêts, dans les bois d’Eu, d’Arques, de Lyons, de Bray, d’Évreux, de Breteuil, de Beaumont-le-Roger, d’Harcourt, d’Argentan, de la Lande-Pourrie, de Cerisy, on chasse le chevreuil, le cerf, le sanglier, le faisan, la perdrix, la caille, la bécasse, le canard sauvage, le râle de genêt. Il y a des meutes superbes. Il faut voir une battue aux sangliers dans la forêt de Conches, ou une chasse au cerf dans les bois de la Vellière, avec la meute du comte de Courval : une quarantaine de grands chiens blancs tachetés largement d’un fauve jaunâtre… Je puis vous en parler savamment : le piqueur de M. de Courval est mon frère Élie…

» Et si je voulais vous entretenir de l’industrie de la Normandie et du bien-être qu’elle entretient dans les populations… je n’en finirais plus ; vous ne m’écouteriez pas jusqu’au bout. Ici, tout le monde travaille, les riches et les pauvres ; l’industrie n’est pas seulement dans les villes, elle est dans les campagnes. Après la journée faite aux champs, femmes et filles, et jeunes gars utilisent les soirées. Telle gente bergère de Rugles ou des environs de l’Aigle fabrique des clous ou des épingles quand elle a remisé ses bêtes.

» Jadis, la Normandie était couverte de forteresses, maintenant il y a peu de villages, peu de hameaux qui ne possèdent quelques établissements industriels. »

L’instituteur primaire ne s’était interrompu dans son tableau de la prospérité normande que pour nommer les localités que l’on traversait, les villes et les bourgades en vue : Mézidon, Moult, Argences… Il dit aussi quelques mots du beau domaine du Val-Richer situé près de Lisieux, à six kilomètres au nord du chemin de fer. M. Guizot et M. de Witt, son gendre, y ont transformé en un beau château les restes d’une abbaye. Près de Canon, l’enthousiaste Normand signala également le parc et le château de M. Élie de Beaumont.

— Je suis instituteur à Courteilles, finit-il par dire à Jean. Si jamais vous