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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/436

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Surtout, tu ne viendras pas te planter, te montrer devant la loge !

— Puisqu’il ne faut pas que madame Cydalise me voie.

— Tu es garçon d’esprit.

Sur ce, Jacob Risler administra une forte taloche au pauvre Jean, et lui tourna le dos.

Jean, soucieux et triste, le regarda s’éloigner ; puis avec la mobilité du jeune âge, il se dirigea aussi avant que possible du côté de la mer, en quête d’une distraction quelconque, et obsédé par cette idée que Cydalise, — ou Emmeline ou Sylvia, — serait malgré tout rendue à sa famille, et que de toutes les manières elle serait perdue pour lui, qui par sa conduite s’exposait à devenir le complice de Jacob Risler, — chose odieuse !

Alors avec un air ahuri, — égaré, — il se mit à arpenter l’estacade de l’est qui, avec une seconde estacade parallèle, forme le chenal. Sur cette jetée, large de deux mètres, et dont le plancher est fait de poutrelles trop espacées, Jean rencontra quelques promeneurs. À son extrémité, l’estacade se terminait par une plate-forme avec des bancs. Mais Jean revint sur ses pas.

Dès qu’il put prendre un bateau, il traversa le chenal, et il se trouva aux environs des forts et de l’immense bassin des chasses.

— Qu’est-ce que c’est que ces forts ? demanda-t-il à un douanier.

— À gauche du bassin des chasses, dit le douanier, loquace comme les gens qui demeurent souvent de longues heures sans parler, c’est le fort Risban, à droite de ce bassin c’est le fort Revers.

— Qu’est-ce qu’on y fait donc dans votre bassin ? Pourquoi dit-on bassin de la chasse ?

— Non pas de la chasse, mais bassin des chasses. C’est un bassin creusé pour recevoir à la marée haute les eaux de la mer. Elles sont retenues au moyen d’écluses et lâchées à marée basse pour balayer les sables amoncelés à l’entrée du chenal, qui sans cela, feraient un barrage élevé, et fermeraient le port.

— Ah ! très bien ; je commence à comprendre. Les sables sont un vrai danger, ma foi !

— Et ils en mangent des millions ! reprit le douanier. Tout le littoral de l’arrondissement est occupé par ces dunes. Dunkerque cela veut dire en flamand Église des dunes, — Dune Kerke. Vous ne saviez pas ça ? Ces dunes sont les unes mobiles, les autres arrêtées à l’aide de plantes d’une certaine sorte, choisies pour cela, il faut le croire.