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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

à faire une tentative désespérée pour aller au secours de cette ville qui ; déjà, lui coûtait la perte de sa liberté ; elle sauta du sommet d’une tour ayant au moins soixante pieds de hauteur, en s’aidant de lanières… Mais ces lanières peu résistantes, taillées peut-être dans des draps de lit, se rompirent, et la pauvre jeune fille fit une chute terrible. Jeanne ne cherchait pas la mort, comme on lui en fit un crime, lors de son procès, mais elle risquait sa vie.

» Précipitée de si haut, elle tomba sur le sol sans se faire beaucoup de mal. N’est-ce pas une chose miraculeuse et qui donne à penser ? Toutefois, on la trouva évanouie. Jeanne revenue à elle, la mémoire lui faisait complètement défaut ; elle ne savait pas ce qui était arrivé, comment il se faisait qu’elle fût blessée ; elle resta deux ou trois jours sans pouvoir rien manger ni boire ; mais les « voix » qu’elle croyait entendre parfois, — ces voix qui lui avaient ordonné d’aller au secours du roi de France — tout en la blâmant de son imprudence, lui promirent unqe guérison prompte et assurée. Ces mêmes voix l’assuraient aussi que Compiègne serait secourue avant la Saint-Martin d’hiver.

» Comme Jeanne ne faisait aucunement mystère de ses révélations, la colère de son geôlier s’en augmentait. Cette colère devint de la fureur lorsque Compiègne malgré l’intervention très active de Jean de Luxembourg, vit accourir à sa délivrance les Français du maréchal de Boussac et de Poton de Xaintrailles, et échappa aux Bourguignons qui la considérait déjà comme à eux, — ainsi Jeanne l’avait prédit.

» Le seigneur de Beaurevoir résolut alors de hâter l’exécution du marché qui livrait sa prisonnière aux Anglais : cette compensation leur était bien due, après l’échec devant Compiègne ! Du reste, ceux-ci, soldaient l’infamie du comte selon un tarif honnête : seize mille francs lui furent comptés ; ils représenteraient bien cent soixante mille francs de notre monnaie.

— Le misérable ! murmura Jean, que ce récit fait simplement mettait hors de lui.

— J’ai recueilli ces faits à Beaurevoir même, ajouta Modeste Vidal. Je les crois peu connus ; M. Pascalet me dira ça.

Modeste Vidal se trompait. Cette évasion si dangereuse est racontée par la plupart des historiens de Jeanne Darc. Seulement les bonnes gens de Beaurevoir y ajoutaient avec quelques détails particuliers une interprétation miraculeuse. Disons encore que Jeanne d’abord conduite à Arras, fut transférée au château du Crotoy sur la Somme, et que c’est de là qu’elle partit pour Rouen, non par mer, comme on l’a avancé quelquefois, mais par la route de terre.