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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/544

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

ouvriers des charbonnages s’est amélioré en France depuis une dizaine d’années, et grâce à l’abandon des procédés grossiers et barbares de l’ancienne exploitation. Le temps n’est plus où les yercheurs à moitié nus et ruisselants de moiteur s’en allaient à plat ventre, la lampe aux dents dans d’étroits boyaux pour charger la houille. Chantonnant parfois, mais graves toujours, parlant peu, leur vie à tous semble horriblement triste à ceux qui les surprennent à cette œuvre d’où le soleil est absent. Mais rentrés chez eux, le soir, ces rudes travailleurs redeviennent expansifs, presque gais et, fils de mineurs, ne songent pas à faire autre chose de leurs enfants que des mineurs.

Les ouvriers étaient munis de ces lampes dont Davy a inventé le modèle : formées d’un tube de toile métallique qui enveloppe la flamme, cette toile refroidit suffisamment les gaz combustibles qui la traversent pour que leur inflammation ne puisse avoir lieu. Des lampes de divers genres étaient aussi accrochées aux wagonnets qui glissaient sur des rails, vides ou chargés de houille. À d’autres wagons des chevaux étaient attelés.

Tout à coup, une véritable canonnade fit retentir l’air et ébranla la mine dans ses fondements ; elle partait des chantiers où l’on allumait la poudre des trous de sonde. Une fumée épaisse déboucha bientôt de plusieurs galeries.

Mais cette fumée n’empêcha pas Jean de sentir une odeur de paille humide et de fourrage s’échappant d’un couloir et trahissant le voisinage des écuries. Jean s’engagea aussitôt dans ce couloir, sûr de ne pas se tromper, marchant vite sur la fine glu de charbon, — poussière noire qui empoissait un sol glissant troué par le sabot des chevaux.

Sous une grande voûte — comme en une caverne de contrebandiers, — où des lueurs vacillantes et blafardes se dégageaient des lampes électriques, des chevaux alignés devant des rateliers arrachaient des brindilles d’herbes sèches, ou sommeillaient. Pauvres animaux ! leurs yeux, petits, fermés, s’étaient déshabitués de voir. On les plaindrait si tout l’intérêt, toute la compassion n’allait d’abord aux mineurs.

Un homme était là — grand et sec — une fourche à la main, occupé à relever la litière des chevaux. Jean marcha droit sur lui, et dit à haute voix :

— C’est bien Hans !

Mais Quentin et le guide officieux ne pouvaient l’entendre ; ils étaient fort en arrière.

En s’entendant nommer, l’homme à la fourche essaya par un puissant effort de volonté de faire converger vers un seul point les regards de ses