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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/608

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Alors sois raisonnable, Méloir, et laisse-moi faire.

— Vous avez raison. Je serai toujours mieux qu’à allumer les chandelles de votre oncle ; et pour peu qu’on me supporte, j’attendrai bravement, tout en gagnant du bel argent blanc, à Caen, — que saint Jagu protège ! — le moment de tirer au sort et de partir soldat.

— Voilà qui est bien dit, observa Jean. Maintenant ajouta-t-il, je te recommande de parler aussi peu que possible de la loge Risler. C’est à peine si tu dois te souvenir que tu y as vu mademoiselle du Vergier.

— Qui ça ?

— La fille du baron.

— Ah ! oui, mademoiselle Cydalise ?

— Ce n’était pas son nom.

— Faudrait que je connaisse le vrai nom qu’elle se nomme.

— Mais non ! Il suffit de dire simplement mademoiselle.

Cet entretien, résumé ici bien plus que relaté, se prolongea durant toute la dernière partie du voyage. Jean adressait encore à son protégé ses dernières recommandations, au moment où il saisissait le marteau de la porte du petit hôtel de la rue Saint-Jean.

Comme son cœur battait fort dans sa poitrine ! qui donc allait-il voir tout d’abord : Sylvia hautaine, oublieuse ? la baronne froide, sévère ? Maurice, dégagé de toute affection envers son indigne ami ? M. du Vergier distrait et brusque ?

Une grande Cauchoise que Jean connaissait, vint ouvrir, et en apercevant le petit Parisien — c’était le nom qu’on lui gardait à l’hôtel du Vergier — elle poussa des exclamations suraiguës et se mit à gesticuler. Jean l’observait attentivement : il n’y avait rien dans les manières de la brave fille qui fût de nature à lui faire craindre un mauvais accueil de la part des maîtres.

La Cauchoise Nanon courut dans la direction du hall pour annoncer Jean, qui demeurait immobile, n’osant la suivre. Méloir aussi se tenait comme cloué sur place : son couvre-chef respectueusement tourmenté dans ses mains, il dirigeait son flair du côté de la cuisine, d’où s’échappait, il faut le dire, une bien bonne odeur de pâtisserie chaude, mêlée à l’arome d’un rôti qui va bien.

— Sentez voir de vot’e nez ! dit-il à Jean en humant avec délice. Tout à coup, au fond du couloir où se tenaient les deux jeunes gens, apparut dans la pleine lumière de la cour… miss Kate, — la dernière personne que Jean pût s’attendre à voir à l’hôtel du Vergier.