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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/611

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Il en tira un bon augure. L’aimable Anglaise arrivait au bon moment, comme une petite fée protectrice ; du moins ne se refuserait-elle pas à intercéder en sa faveur, — s’il le fallait.

— Vous voilà donc Jean ! fit la jeune fille.

— Quelle surprise de vous rencontrer ici, mademoiselle !

— Le motif en est douloureux.

— Douloureux, miss ? que vous est-il arrivé ? Serait-ce que quelqu’un se trouverait en danger dans cette maison, M. Maurice ? mademoiselle du Vergier ?

— Non, mon bon ami Jean. C’est mon père qui nous donne des inquiétudes, qui nous fait du chagrin. Ce pauvre père… il nous a quittés. Il est malade. Il s’en va la tête perdue, un peu partout, et malheureusement on ne sait de quel côté se diriger pour le rejoindre et le ramener au milieu de nous.

Jean allait demander quelques explications — bien qu’il devinât une fugue de ce baronnet plus qu’original ; mais la Nanon revenant avec précipitation ne lui en laissa pas le loisir : Madame recevrait M. Jean tout de suite, dit-elle.

— Si j’allais attendre à la cuisine ? insinua Méloir ; sauf respect, j’ai le ventre plat comme une galette ! Faut-il pas avaler une lampée aussi, puisqu’on va causer d’avec une dame qu’est une baronne !

Jean trouvait que Méloir n’était pas de trop pour lui donner une contenance, — même avec miss Kate pour soutien : il aurait voulu se trouver à la tête d’un régiment pour affronter les regards irrités de la baronne. Toutefois une dernière et très vive crainte d’être mal accueilli lui fit adopter la proposition du Breton. Il le laissa donc en arrière pour ne pas avoir en lui un témoin gênant ; et comme miss Kate, très vive, passait devant, Jean la suivit vers le hall.

Il entre, ne trouve pas un mot à dire, ne voit plus personne, si ce n’est madame du Vergier sur la poitrine de qui il alla se jeter tout en larmes.

— Oui, oui, pleurez Jean, se mit à dire la bonne dame d’une voix lente, émue ; vos pleurs feront plus pour vous disculper que ne le pourraient faire les paroles les plus éloquentes ; car vous avez été bien coupable, bien coupable. (Ici Jean sentit qu’une main cherchait la sienne et devina l’étreinte amicale de Maurice.) Mais à côté du mal que vous avez fait… par votre étourderie, par votre obstination inexplicable, que de bien, Jean ! Combien vous nous avez donné de bonheur à tous ! (Jean qui, au milieu de son trouble,