jections gutturales et, posant par terre son sac, il se mit en devoir de broyer amicalement les mains que les deux jeunes gens lui avaient imprudemment abandonnées. Flegmatique et souriant — d’une façon non équivoque, grâce à sa puissante mâchoire, — il ouvrait des yeux démesurément interrogateurs et soumettait réellement à la question Maurice et Jean, qu’il secouait.
— Aôh ! clama-t-il, je été content de trouver vôs à Bayonne ! La petite Jean devenu haut depuis le naufrage ! Gentil, tutafaite ! Aôh ! yes, tutafaite ! ce était bien.
Mais le baronnet apercevant le Breton qui l’examinait avec une attention trop soutenue, s’effaroucha subitement, et reprit sa valise.
— Ce été pour môa, dit-il, que vous venez à Bayonne, — ou pour les jambons ? Si c’est pour môa, master Maurice, apprenez à milady que je voulé faire bien des folies — je voulé en faire ! entendé-vô ? Je parté pour Luchon, pour Bagnères de Luchon. Bonnejoure, mes petits amis ! N’oubliez pas ; écrivez loui à milady. Pour la faire enrager, je loui ai envoyé une caisse de jambons ! Aôh ! elle dira encore que j’ai le spleen ! Le spleen ! Je voulé voyager bôcoup, bôcoup.
Tandis que le baronnet parlait, Maurice avait consulté Jean du regard.
— Vous allez à Luchon, sir ? Nous y allons aussi, dit-il après une courte hésitation.
— Ô dear ! Vous n’en prenez pas la chemin, observa le baronnet, au contraire.
— Il est vrai, balbutia le jeune du Vergier en rougissant. C’est que voyez-vous, milord, nous avions l’intention de tâter de quelques bains de mer à Biarritz.
— Aôh, yes ! très comfortabel à Biarritz.
— Mais nous y avons renoncé… en route, préférant les bains de Luchon aux bains de mer — comme vous, sir.
— Alors je regretté bôcoup : je ne vais pas à Luchon pour les eaux, dit sèchement le baronnet. Ce ne été pas assez excentrique, nô !
— Ah ! fit Maurice qui se sentait battu. Et… y aurait-il de l’indiscrétion, sir ?… pourrait-on vous demander ?…
— No, il y avait point nullement de l’indiscréchun, répliqua l’Anglais qui ne demandait pas mieux que de parler « pour faire enrager milady ». De Luchon, j’entrerai dans le montagne pour chasser la petite l’isard ; très jiouli sport !