Aller au contenu

Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
622
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

jections gutturales et, posant par terre son sac, il se mit en devoir de broyer amicalement les mains que les deux jeunes gens lui avaient imprudemment abandonnées. Flegmatique et souriant — d’une façon non équivoque, grâce à sa puissante mâchoire, — il ouvrait des yeux démesurément interrogateurs et soumettait réellement à la question Maurice et Jean, qu’il secouait.

— Aôh ! clama-t-il, je été content de trouver vôs à Bayonne ! La petite Jean devenu haut depuis le naufrage ! Gentil, tutafaite ! Aôh ! yes, tutafaite ! ce était bien.

Mais le baronnet apercevant le Breton qui l’examinait avec une attention trop soutenue, s’effaroucha subitement, et reprit sa valise.

— Ce été pour môa, dit-il, que vous venez à Bayonne, — ou pour les jambons ? Si c’est pour môa, master Maurice, apprenez à milady que je voulé faire bien des folies — je voulé en faire ! entendé-vô ? Je parté pour Luchon, pour Bagnères de Luchon. Bonnejoure, mes petits amis ! N’oubliez pas ; écrivez loui à milady. Pour la faire enrager, je loui ai envoyé une caisse de jambons ! Aôh ! elle dira encore que j’ai le spleen ! Le spleen ! Je voulé voyager bôcoup, bôcoup.

Tandis que le baronnet parlait, Maurice avait consulté Jean du regard.

— Vous allez à Luchon, sir ? Nous y allons aussi, dit-il après une courte hésitation.

— Ô dear ! Vous n’en prenez pas la chemin, observa le baronnet, au contraire.

— Il est vrai, balbutia le jeune du Vergier en rougissant. C’est que voyez-vous, milord, nous avions l’intention de tâter de quelques bains de mer à Biarritz.

— Aôh, yes ! très comfortabel à Biarritz.

— Mais nous y avons renoncé… en route, préférant les bains de Luchon aux bains de mer — comme vous, sir.

— Alors je regretté bôcoup : je ne vais pas à Luchon pour les eaux, dit sèchement le baronnet. Ce ne été pas assez excentrique, nô !

— Ah ! fit Maurice qui se sentait battu. Et… y aurait-il de l’indiscrétion, sir ?… pourrait-on vous demander ?…

— No, il y avait point nullement de l’indiscréchun, répliqua l’Anglais qui ne demandait pas mieux que de parler « pour faire enrager milady ». De Luchon, j’entrerai dans le montagne pour chasser la petite l’isard ; très jiouli sport !