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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/674

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

comptons donc plus ! Tout le monde a de belles villes, de belles maisons : nous sommes peut-être logés à la charité ? Tout le monde a des amis parmi les grands hommes, et nous rien alors ? Té ! Nous avons Jasmin cependant et il n’y a pas deux Jasmin en France !

— Mais des grands hommes de guerre ? objecta l’Auscitain.

— Des grands hommes de guerre ? Nous avons Xaintrailles, — ici il éleva la voix pour couvrir les interruptions — un des meilleurs capitaines du roi… qui était roi du temps de Jeanne Darc ; nous avons Blaise de Montluc, le maréchal d’Estrades et plusieurs généraux de la République et de l’Empire. Et puis il n’y a pas que les militaires qui comptent. Baillez-moi le carafon, que je lampe une rasade à la santé des civils ! Nous avons à citer Bernard de Palissy, Lacépède, nous avons madame Cottin…

— Ce n’est pas un homme ! vociféra le bourgeois de Montauban, comme si l’Agénois trichait.

— Je apprécié, fit l’Anglais d’un air grave.

L’hôte, un Gascon pur sang, impatient d’éteindre son gaz, intervint :

— Avez-vous besoin « de rien » ! dit-il.

— De rien ni de quelque chose ! cria celui qui s’était donné la parole et entendait la garder. Apprenez, milord, par ma bouche que le Lot et la Garonne viennent se réunir dans la plaine la plus féconde de la France ! Les deux vallées de ces rivières forment l’Agénois. C’est surtout la vallée de la Garonne qui présente le plus bel aspect. Sur la rive gauche, et à travers les oseraies, ou les peupliers qui bordent la rivière, on voit se dérouler au loin les plaines de la Lomagne, magnifiquement cultivées ; la rive droite est bordée de collines basses couronnées de vignes et de bois. Des hauteurs qui commandent l’endroit où le Lot et la Garonne, marient leurs eaux, le regard est ébloui, véritablement ébloui, par un magnifique panorama de champs, de prairies, de vignobles, — attendez — de vergers, au milieu desquels apparaissent une « troupe » de villages ou de vieilles villes, si agréables à l’œil qu’on dirait qu’un peintre les a arrangés à son goût.

— Ha ! tellement ? fit l’homme au creux du midi ; mais vous ne nous dites pas, mon bon, qu’à côté de cette fertilité du pays d’Agen les landes viennent envahir une grande partie des arrondissements de Nérac et de Marmande ?

— Si, j’allais en parler ; vous me l’avez coupé sur les lèvres ; mais je n’en dirai rien puisque vous avez dénoncé nos pauvres Landes ! Milord, je passe à notre bonne ville d’Agen, dont les fabriques de toiles à voiles et les teinture-