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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/695

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Comme on montait en wagon, Jean demanda à Méloir s’il avait trouvé quelque friandise à son goût à Limoges.

— Ah ! dame ! Avec de l’argent blanc on a de tout partout, répondit le Breton. Ici ce qu’il y a de meilleur ce sont les marrons et les châtaignes, vienne la fin de l’automne.

Le train traversait le département de la Creuse, s’engageait dans des tunnels successifs indiquant une région très accidentée, un pays hérissé de montagnes ou déchiré par d’étroites et profondes vallées. Dans ces vallées s’étendaient des plaines, de ces belles prairies décrites par George Sand, « avec de la mousse, des joncs, des iris, mille espèces de gramens plus jolis les uns que les autres, des ancolies, des myosotis ; il y a de tout et cela vient tout seul, et cela vient toujours. »

Aux vallées, succédaient les larges plateaux d’un terrain maigre et humide couvert de petits arbres et de grands buissons ; il y pousse aussi de grandes ronces et des chardons aux rudes feuilles déchiquetées, qui font penser à la végétation des déserts africains. Puis se présentaient des gorges longues, sinueuses, s’élargissant par endroits pour devenir vallées et au fond desquelles coulent rapides et tourbillonnantes des rivières qui ont des allures de torrent.

On passa devant Guéret, fort ancienne ville de moins de 7,000 habitants, qui se dresse sur le penchant d’une montagne entre la Creuse et la Gartempe ; ville assez jolie, bien bâtie, mais où rien ne sollicite la curiosité du touriste. On ne laissait guère en arrière, pouvant faire regretter d’aller si vite, qu’Aubusson, dont la manufacture de tapisserie prend rang après celle des Gobelins et de Beauvais, et occupe environ deux mille ouvriers.

Peu après Guéret, la voie ferrée franchit la Creuse sur un beau viaduc de 286 mètres de longueur, ayant une hauteur de plus de cinquante mètres. Trente kilomètres plus loin, on sortait du département pour entrer dans l’Allier ; on contournait très visiblement au nord-est le massif central de la France ; on s’avançait vers les plaines du Bourbonnais ; on roulait vers Montluçon.

Jean reconnaissait ce Bourbonnais qu’il avait traversé une fois déjà, lors de ce singulier voyage dans lequel il avait forcé Hans Meister à le suivre à Orléans. On se souvient que Maurice avait accompagné son petit ami et l’Allemand jusqu’à Clermont-Ferrand. Les étapes accomplies avec ce disgracieux personnage devinrent un sujet de conversation pour les deux jeunes gens.

C’est ainsi qu’après un trajet de près de six heures on passa en gare de