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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/712

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

nature du Bordelais, avec l’automate riche et titré qu’il suivait un peu malgré lui, ne vit plus durant plusieurs heures dans le baronnet qu’un mannequin, un homme de bois, gesticulant et grimaçant.

Sir William, Maurice et Jean firent à Besançon un séjour d’une semaine. Dès le premier jour pour satisfaire leur très légitime curiosité, on leur avait montré la maison où est né Victor Hugo :

Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte.

Le grand poète approchait donc de sa quatre-vingtième année. Il ne songeait pas à aller mourir au lieu où il avait vu le jour ; il pouvait sans ingratitude préférer à sa ville natale, Paris, la ville d’adoption de sa jeunesse, où son brillant génie avait pris son essor, Paris le champ de ses triomphes ; et la Grande Ville, en retour, avait adopté le glorieux vieillard. Prise tout d’un coup pour lui d’une tendresse quasi maternelle, elle était devenue attentive à ses moindres paroles, elle surveillait ses pas, allait au-devant de ses désirs afin de lui faire une vieillesse heureuse et douce ; elle lui préparait des fêtes pour tous ses anniversaires, et, anticipant sur les jugements qui donnent l’immortalité, afin de ne laisser aucun doute au poète sublime sur le rang que la postérité lui accorderait, elle le proclamait le plus grand poète de notre temps, le plus grand poète de notre littérature tout entière ; bien plus, elle saluait en lui le plus grand poète du monde, le poète dont la hauteur ne serait jamais dépassée.

La « vieille ville espagnole » et impériale, avec ses 50,000 habitants, étonna surtout les deux jeunes gens par la multiplicité de ses fortifications : citadelle sur roc, forts détachés, enceinte bastionnée entourant la ville, bordée par la rivière et par des fossés profonds. Il était facile de constater que c’était une place forte et non une ville de plaisance et de luxe. Bâtie sur le canal du Rhône au Rhin, dans une presqu’île formée par le Doubs et entourée de montagnes, elle a un aspect triste et sévère.

En fait de ville de la Franche-Comté, Jean et Maurice ne virent pas seulement Besançon, durant les trois semaines que le baronnet leur fit passer auprès de lui ; il les entraîna à Beaume-les-Dames, jolie petite ville de 3,000 habitants située dans un bassin verdoyant formé de collines parsemées de vignobles ; à Montbéliard, chef-lieu d’arrondissement de 9,000 habitants, où est né Georges Cuvier qui y a sa statue en bronze par David d’Angers ; à Pontarlier sur le Doubs qui possède des distilleries renommées