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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/746

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Nos voyageurs avaient pénétré dans cette vallée par le défilé que l’on suit en venant de Sallanches. C’est de cette petite ville que l’on commence à voir les développements grandioses du géant des Alpes, masqué longtemps par les hauteurs qui encadrent et resserrent la route. Nos touristes jouirent de la surprise de l’apercevoir pour la première fois caché dans les nuages qui ne laissaient visible que sa cime. Ils ne pouvaient croire que cette masse aérienne placée si haut fût autre chose qu’une de ces nuées blanches qui s’amoncellent parfois au-dessus des sommets les plus élevés. Il fallut pour les désabuser que les nuages se dispersassent, déchirés par le vent de l’aube, laissant alors à découvert la large et solide base qui unit à la terre cette cime qui se perd dans l’azur.

De Sallanches à Chamonix, ils remontèrent le cours torrentueux de l’Arve, « aux écailles d’argent », dont les crues subites ont plus d’une fois ravagé les rives, et emporté la chaussée que suit le voyageur, chaussée ménagée au milieu des éboulis, des débris amenés par les débâcles des roches primitives, avec l’Arve resserrée en un passage étroit et profond, et dont on voit blanchir l’écume à travers les troncs des sapins qui hérissent la ravine d’un côté, faisant face à la roche noire taillée presque à pic, teinte çà et là de couleurs métalliques, et portant de place en place rangés en étages, de grands sapins d’un vert mouillé dont la ramure conique se montrait légèrement saupoudrée de neige.

Chamonix est en quelque sorte la première station du Mont-Blanc, massif colossal qui, malgré sa faible étendue relative, est un monde de neiges et de glaces ! Il est frangé de toutes parts de ces fleuves solidifiés, qui, de ses cirques, descendent lentement au loin dans les ravins.

C’est le glacier de Taconnaz, celui des Bossons qui lui fait face : leur éclat azuré vient se mêler au vert vif des pacages ; l’un et l’autre s’étendent sur des hauteurs voisines du sommet principal ; derrière leurs accumulations de glace se dressent les Grands-Mulets, les Roches-Rouges, les Petits-Mulets, formant un escalier gigantesque. C’est la mer de Glace et le glacier des Bois qui le termine au nord-ouest, près du hameau des Bois : ils ont la forme d’un large fleuve, et se meuvent avec une rapidité moyenne de cent mètres par an. Ce sont les glaciers du Géant et de l’Argentière. C’est le glacier de Talèfre, très au large dans une enceinte formée de pics de granit extrêmement élevés. Au centre de ce glacier un rocher uni demeure comme une île au milieu des neiges et des glaces. Il est de forme à peu près circulaire et, circonstance très singulière, les frimas semblent le respecter. À la fin d’août