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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/786

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

le nouvel édifice destiné à la bibliothèque publique et à l’École des Beaux-Arts ; cela allait avec le nouveau port, avec les nouveaux quartiers de la Joliette et d’Arenc, auxquels le port de création récente a donné naissance, avec le nouveau jardin des plantes, le nouveau musée, établi sur la colline de Longchamp dans un nouveau palais de style Renaissance ; cela allait avec la manutention des vivres, avec la manufacture des vivres, avec la manufacture des tabacs, l’église de Saint-Vincent de Paul, l’église Saint-Michel, plusieurs casernes, un arsenal, des halles, des écoles, tous édifices de construction nouvelle ; avec le nouveau canal qui amène à Marseille les eaux de la Durance et a permis de doter la ville de quatre cents nouvelles fontaines publiques et de dix-huit cents bouches d’arrosage.

C’était à croire à une ville née d’hier avec 315,000 habitants ! Et cependant Marseille il y a trente ans était déjà une fort grande et fort belle ville très peuplée. On a agrandi ou restauré les hôpitaux, créé des places et des boulevards, prolongé les rues ; même une partie de la Canebière est désignée aussi sous le nom de nouvelle Canebière.

Jean comprenait que les Marseillais fussent glorieux de leur Canebière, la plus spacieuse de leurs rues, bordée de belles maisons, de cafés dorés où ils passent la moitié de leur vie ; magnifique artère, coupée en croix par le cours Belzunce, les rues d’Aix et de Rome qui y aboutissent, cette dernière rue prolongée par le Prado (ensemble 5 kilomètres).

En effet, ils en sont glorieux à ce point qu’on a pu mettre dans leur bouche cette énormité : « Que si Paris possédait une Canebière il serait un petit Marseille ». Les Marseillais, qui fréquentent le monde entier, ne sont pas gens si incapables de comparer ; mais Marseille ne donne pas seulement le jour à des négociants, à des armateurs et à des marins : nombre d’écrivains nés dans ses murs viennent exercer à Paris leur verve caustique de vaudevilliste aux dépens de leurs compatriotes, qui ne s’en portent que mieux : on n’est jamais trahi que par les siens ; et voilà comment il se fait que tant de légendes burlesques ont pour héros des braves Marseillais.

Les Marseillais sont actifs, énergiques, et très entendus dans les affaires, ce dont il faut les féliciter pour eux et pour la France, qui doit redouter l’engourdissement. Leur ville est riche et a pu faire face à ces énormes dépenses de transformations et d’embellissements exécutées en quelques années. La Bourse seule a coûté près de neuf millions, et c’est la chambre de Commerce qui a fourni la presque totalité de cette somme. Le canal a coûté plus de cinquante millions.