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LES AVENTURIERS DE LA MER


tesque. Toutefois l’un des gardiens mourut des suites de profondes brûlures.

Les choses en étaient là, et il s’agissait de dresser une troisième tour en bois, lorsque John Smeaton, ingénieur éminent, membre de la Société royale de Londres, déclara qu’il était possible d’employer la pierre pour une réédification durable de ce phare. Commencé le 12 juin 1757, le phare d’Eddystone alluma définitivement sa lanterne le 16 octobre 1759. On le cita longtemps comme une merveille : nos constructions modernes l’ont bien surpassé.

À l’époque où l’on construisit le second phare d’Eddystone, — celui de Rudyerd, — Louis XIV était en guerre avec la Grande-Bretagne ; un corsaire sorti de nos ports s’étant emparé des ouvriers, les emmena prisonniers en France. En apprenant cette capture, le roi blâma le zèle du corsaire, et ordonna qu’on mît en liberté les ouvriers, faisant observer avec sa grandeur habituelle, qu’il était « en guerre avec l’Angleterre, mais non avec le genre humain ».

Longtemps, sur le littoral britannique, un certain nombre de phares furent concédés par la Couronne, par Trinity-House, ou par actes du Parlement. Ils donnaient des bénéfices considérables par un droit de péage établi sur les bâtiments. Lorsque la corporation de Trinity-House[1] voulut racheter les phares « privés », on vit un rocher sur l’Océan se vendre 350 000 et 400 000 livres sterling (de huit à dix millions). Quelques propriétaires réclamèrent jusqu’à 550 000 livres, et longtemps encore après, de légères surtaxes étaient imposées à la marine marchande pour permettre à Trinity-House d’acquitter ses dettes.

Il faut que nous disions aussi que, dans les arts et les sciences qui ont fait des phares l’une des plus belles inventions modernes, nous avons devancé de beaucoup nos voisins les Anglais, bien que plus directement intéressés dans les progrès accomplis. Notre tour de Cordouan avait successivementremplacé sa flamme primitive par le gaz, par des lampes et des réflecteurs paraboliques en métal, et enfin par les lentilles de Fresnel, rayonnant à trente milles de distance, que sir David Brewster était forcé de s’adresser à la Chambre des communes pour dénoncer l’opiniâtre résistance d’un ingénieur routinier, sou-

  1. Corporation ayant pour objet les intérêts de la marine britannique. Elle a été reconnue par une charte de Henri VIII datée de 1524.