Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Elle a toujours été à moi, reprit M. Halt, avec un regard plein de franchise. Je ne me rappelle pas un instant de ma vie, pendant lequel elle n’ait pas été à moi ; et je m’y suis attaché, comme à une relique, pendant les dures épreuves dans lesquelles s’est écoulée, mon enfance.

— La vie a donc été dure pour vous ? demanda doucement Mme d’Hervart.

— Oui, madame, j’ai passé les premières années dont je me souvienne, sous la domination d’une vieille femme méchante qui me brutalisait, et après être parvenu à m’échapper j’ai connu des heures de faim et de désespoir, jusqu’au moment où de bons amis m’ont aidé à me faire une situation honorable.

— Ne vous souvenez-vous pas d’une époque plus lointaine ?

— Pardon, reprit vivement M. Halt. J’ai gardé le souvenir vague et incertain d’une vieille maison en pierre, entourée d’un grand jardin, où il me semble que j’ai dû vivre. Je me souviens aussi d’un gentleman de grande taille et d’une jolie dame avec une robe de soie bleue.

— Et vous ne vous rappelez rien de plus ? demanda-t-elle encore en serrant nerveusement la médaille.

— Bien peu de chose. Je me souviens d’un jour où je suis tombé des bras de ma mère, car ce devait être ma mère. Je me souviens aussi d’un joujou. C’était un diable noir qui sortait d’une boîte, au moyen d’un ressort. J’ai éprouvé un violent chagrin, un jour que je l’avais laissé tomber et qu’il s’est cassé le nez.

Mme d’Hervart ne put se contenir plus longtemps.

— C’est bien lui ! cria-t-elle en se levant vers le jeune homme et en lui tendant les bras ; c’est bien lui ! mon fils, mon cher fils depuis si longtemps perdu ! Mon cœur me l’a dit la première fois que je l’ai revu !

— Et le mien aussi ma mère ! s’écria le jeune homme en appuyant longuement et délicieusement sur ce nom si tendre, inconnu à ses lèvres depuis tant d’années.