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Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/90

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Il se nourrit de votre sang,
Vois, comme il aiguise ses serres.

L’érable planté au bord de l’eau
Balance toujours sa tête,
Les vents impétueux soufflent en tempête
Et lui brisent les bras.
Mais les saules bruissent dans les bas-fonds
Et me bercent dans mon sommeil ;
Le ruisseau coule là tout près
Et l’eau laisse voir le fond.

Quel sujet de me soucier
D’avoir vu le jour au village ?
Laissons se casser la tête
À ceux qui rêvent de montrer très haut.
Mais moi, je resterai tranquille
À passer doucement mes jours.
J’éviterai ainsi tous les maux
Et je serai un homme heureux.

Discours de Paul Poloubotok devant Pierre le Grand.

Ce discours est tiré d’un livre anonyme des plus intéressants du xviiie siècle : « L’Histoire des Russes ou de la Petite Russie ». On suppose qu’il fut composé de concert par les Poletyka, père et fils, dans la seconde moitié du siècle, alors que la rédaction définitive ne date que de 1820. Sans trop se soucier de l’exactitude des faits et des détails, ce livre nous donne une image très vive des idées et des aspirations politiques de la noblesse cosaque. L’extrait reproduit n’est qu’une illustration rhétoriquement amplifiée de l’attitude légendaire de Poloubotok en face de Pierre le Grand qui lui valut de mourir en prison.

Je vois, Sire, et je comprends de quelle source tu as puisé ta colère, qui n’est pas naturelle à ton cœur et qui ne convient pas au caractère de l’Oint du Seigneur. L’amour du bien, la mansuétude, la justice et la miséricorde sont les seules vertus dignes d’un monarque dans le monde entier, et les lois qui régissent en général toute l’humanité et la protègent du mal, sont le véritable miroir de la dignité et de la conduite des Tzars et des Souverains, qui doivent être leurs premiers gardiens et protecteurs. D’où vient donc que Toi, Sire, te plaçant au-dessus des lois, tu nous opprimes de ta seule autorité, que tu nous jettes dans des prisons éternelles, que tu confisques à ton profit

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