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XXIX

NOUVELLE-HOLLANDE

À mon frère.

Huit ou dix jours après notre arrivée au port Jackson, j’écrivis à un de mes frères la lettre suivante, dans laquelle je ne parlais encore que de cette Europe australe qui nous présentait déjà tant de merveilles et nous offrait de si précieuses consolations. Un navire anglais partant de Sidney se chargea de ma missive. Il alla d’abord en Chine, toucha à Chandernagor, mouilla à Calcutta, à Maurice, au cap de Bonne-Espérance, à Sainte-Hélène et à Plymouth, de sorte que ma lettre arriva à l’Observatoire de Paris onze mois après son départ, et qu’elle fut reçue à table par moi, qui la donnai de la main à la main à mon frère, lequel se hâta plaisamment de me rassurer sur l’état de ma santé.

Je retrouve ce curieux document sous ma main, et je le confie à mon livre, tel que je l’écrivis alors. Les deux circonstances dont je parle sont, je crois, assez exceptionnelles pour mériter la petite place qu’elles occuperont au milieu de tant de faits plus graves et plus importants.

« Mon cher frère,

« Il est minuit chez toi, il est près de midi dans le lieu d’où je t’écris ; tu sais cela parfaitement, toi qui lis si bien dans ce mouvement perpétuel de tous ces mondes, au milieu desquels celui que nous habitons joue un rôle si chétif et si merveilleux à la fois. Un navire anglais porte ma lettre ; il te dira combien nous nous estimons heureux de toucher bientôt au terme de nos longues et périlleuses caravanes.