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Page:Auclert - Les Femmes arabes en Algérie, 1900.pdf/220

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Le ministre, auquel avait été posé ce dilemme, a répondu par un refus de pension. Le soldat évincé porta alors sa requête devant le Conseil d’État, qui la rejeta en alléguant une foule de raisons contradictoires qu’il serait trop long de rappeler ici.

C’est ce jugement que Salah veut attaquer, soutenant logiquement qu’on ne peut lui refuser, à lui Arabe, admis à essuyer le feu de l’ennemi, les indemnités qui sont allouées aux Français dans les mêmes conditions. Il avait bien trouvé à emprunter de quoi payer sa place d’Alger à Marseille, sur le pont d’un bateau ; mais, pour pouvoir être embarqué, il lui fallait la permission de s’éloigner d’Alger ; car, ce vétéran, en mêlant son sang à celui des Français sur les champs de bataille, n’a point acquis le droit de bénéficier de leurs lois ; il reste soumis aux vexations du Code de l’indigénat, qui interdit à tout Arabe de se déplacer sans le consentement de l’Administration.

Salah attend encore l’autorisation de venir en France. Pour pouvoir vivre, il s’essaie au commerce, sans succès naturellement. On peut le voir, dépenaillé, à moitié nu, mais ayant toujours grand air ; arpenter la rue de la Lyre un couffin à la main ; il crie, en s’efforçant d’imiter l’accent de ses coreligionnaires : « Des eifs ! des eifs ! » Ses œufs, qui cuisent au soleil, lui rapportent plus de déboires que de profit. Heureusement, l’espoir qui le soutient