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Page:Béland - Mille et un jours en prison à Berlin, 1919.djvu/130

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MILLE ET UN JOURS

Maclinks, il est vrai, sortit de la Stadvogtei, mais des renseignements précis qui nous vinrent du dehors nous apprirent, par la suite, qu’il était loin d’être en liberté. L’officier de réserve autrichien doit être utilisé pour faire le tour des prisons de l’Allemagne.

Quant à Kirkpatrick, le plus âgé de nous tous, il demeura, malgré ses hésitations au sujet de Maclinks, toujours fort respecté et profondément estimé : tous le considéraient comme un sage et un philosophe. Son humour écossais était du meilleur aloi. Nous voyait-il attablés, deux ou trois, avec du bœuf en conserve et du pain devant nous, qu’il s’écriait : — « Je ne puis comprendre en vérité comment il est possible en bonne humanité de se livrer à un tel luxe de table lorsque le pauvre peuple allemand de cette ville est martyrisé par la faim ! Est-ce que vous ne savez pas que vous êtes ici à purger une sentence mille fois méritée ?… » C’est ce même Kirkpatrick qui, un 31 décembre, alors que nous lui demandions comment il espérait franchir le seuil de la nouvelle année, nous répondit simplement : — « Vous entendrez parler de moi avant demain ! » Que voulait-il dire ? Nous l’ignorions entièrement. Nous n’avons pas été longtemps sans le savoir, car un peu plus tard, à minuit, alors que les cloches de l’église la plus voisine lançaient à tous les échos les douze coups, signal de la nouvelle année, une fenêtre s’ouvrit dans l’obscurité et une voix de stentor entonna le Rule Britannia !!!

La chanson patriotique était à peine terminée