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Page:BLANQUI - Critique sociale, I.djvu/112

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critique sociale

est du travail perdu, comme celui qui charrie la Seine en détail de Grenelle à Bercy. Or, la France entière fait cet agréable métier pendant la moitié de l’année, Cent quatre-vingt-trois jours en moyenne, sur trois cent soixante-cinq, les salariés, — neuf dixièmes du pays, — charrient la Seine à la cruche, de Grenelle à Bercy, pour entretenir dans l’oisiveté l’autre dixième, les gens du revenu net, les seigneurs du capital.

Plus une profession tient de près au luxe, plus elle compte, par an, de ces journées de porteur d’eau, Le maximum, — toute l’année, — est pour les domestiques. Ceux-là, du reste, promènent l’eau à la tasse. Le minimum, — un mois environ, — revient au journalier des champs. Lui, porte à tonneaux sur l’échine. C’est dur. Mais, comme il fonctionne alors pour l’alimentation des oisifs, il à beau accomplir le miracle de Cana, tout en ne buvant que de l’eau, le pain qu’il mange durant ces trente jours est du bien jeté à la rivière, comme le pain qu’il fait manger.

« Quoi ! » dira-t-on, « le pain qui s’achète avec l’argent de l’oisif est du bien jeté à l’eau. Pourquoi donc alors déplorer le fléau de l’absentéisme ? Sur ce point, tout le monde est d’accord. Il parait qu’on se trompe. Car, si la présence des rentiers est inutile et mème funeste, leur absence est au moins indifférente. »