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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/129

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d’influences malignes[1] ». Il l’accusait d’être de ces « démolisseurs » qui dévastent les âmes, et ajoutait : « J’en ai été misanthrope plus de dix ans. » — Il est impossible de préjuger ce qu’aurait valu la métaphysique de Quincey ; pour restituer un monument, encore faut-il en posséder quelque reste, et nous sommes ici en face du néant.

Nous connaissons très bien, en revanche, ses idées sur la façon d’écrire l’histoire. Il aurait signé des deux mains, à condition d’en retrancher les mots de philosophie et de philosophe, ces lignes de Fustel de Coulanges : « Il faut, en histoire comme en philosophie, un doute méthodique. Le véritable érudit, comme le philosophe, commence par être un douteur. » Quincey était de ceux qui ne croient pas « que tout a été dit, et qu’à moins de trouver des documents nouveaux il n’y a plus qu’à s’en tenir aux derniers travaux des modernes ». Il inclinait toujours, comme l’illustre auteur de la Cité antique (malheureusement pour Quincey, là s’arrête la ressemblance), « à écarter les opinions reçues, même quand elles avaient les avantages d’une longue possession », et à préluder à l’examen de chaque question en « faisant d’abord table rase… de tout ce qu’on avait publié antérieurement[2] ». Les faits de l’histoire, disait Quincey, sont les ossements desséchés du passé : « Non seulement ils peuvent revivre, mais d’une variété infinie de vies. Les mêmes faits, considérés sous des jours différents, ou dans leurs relations avec d’autres faits, offrent éternellement matière à des spéculations nouvelles, inépuisables comme les combinaisons dont ils sont susceptibles. Ces spéculations

  1. Œuvres complètes : German studies and Kant in particular (1836).
  2. Revue des Deux Mondes du 1er mars 1896 : Fustel de Coulanges, par M. Paul Guiraud.