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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/140

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de Wordsworth[1] sur les défenseurs de l’esprit classique.

La passion des vers était dans sa pensée un simple retour à la nature. Il soutenait que la poésie avait été aux origines le langage « naturel » de l’humanité dans toutes les occasions solennelles ou seulement importantes, tandis que la prose avait été « l’invention », la « découverte » de quelques hommes de génie : « Quoi ? direz-vous, les hommes parlaient en vers ? — Dans les temps primitifs, il leur aurait paru contre nature, et absurde qui plus est, de parler en prose. Il fallait alors des raisons passionnantes pour motiver une harangue publique… et, dans les sociétés encore simples,… les sentiments violents revêtent nécessairement la forme du mètre, qui autorise les termes emphatiques, les antithèses, et autres effets de rhétorique… Nous sommes convaincus qu’il a fallu plus d’efforts, un siècle avant Hérodote, pour amener les esprits à renoncer au diapason poétique avec lequel ils s’étaient accordés de longue date, qu’il n’en faudrait à un journaliste moderne pour revenir brusquement au vers lyrique[2]. »

Voilà des renseignements assez complets sur les richesses intellectuelles dilapidées par Quincey. La nature généreuse avait réuni en sa faveur les dons du poète à ceux du penseur. Elle l’avait doté, dans sa munificence, d’une grande imagination pleine de fantaisie et d’un esprit aigu, fécond en idées hautes et neuves. Après qu’il eut irrémédiablement gâché ces beaux présents, il ne lui resta guère, sa magnifique langue mise à part, que le pouvoir de jeter le trouble et le désarroi dans l’esprit du lecteur en lui ôtant les

  1. On the genius of Thomas de Quincey, par Shadworth H. Hodgson.
  2. Style (1840). — Philosophy of Herodotus (1842).