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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/257

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importance. » Nouvelle pause ; il était tout tremblant d’excitation. Il expliqua enfin qu’il venait proposer une publication d’un intérêt capital. Les découvertes de Newton sur la gravitation ne comptaient pas auprès de celles qu’on verrait dans son livre, lequel causerait une telle sensation, que son éditeur pourrait abandonner toutes ses autres entreprises, et faire de ce seul ouvrage l’affaire de toute sa vie. On pourrait se contenter pour entrée de jeu d’une édition de cinquante mille exemplaires, mais ce ne serait qu’un petit commencement. Il n’y avait pas dans toute l’histoire du monde un événement scientifique qui approchât en importance des développements originaux de ce livre. J’en passe, et tout cela était dit, non pas avec ironie ou en plaisantant, mais avec un sérieux intense ; il me tenait avec son œil, comme le Vieux marin… Nous risquâmes l’affaire, mais avec cinq cents exemplaires au lieu de cinquante mille[1]. »

L’ouvrage, très court, qui allait, d’après l’auteur, « révolutionner le monde des sciences physiques et de la métaphysique », s’appelait Euréka, poème en prose. Il parut au printemps de 1848 avec cette dédicace : « À ceux-là, si rares, qui m’aiment et que j’aime ; — à ceux qui sentent plutôt qu’à ceux qui pensent ; — aux rêveurs et à ceux qui ont mis leur foi dans les rêves comme dans les seules réalités, — j’offre ce Livre de Vérités… À ceux-là je présente cette composition simplement comme un objet d’Art, — disons comme un Roman, ou, si ma prétention n’est pas jugée trop haute, comme un Poème. » Il ajoutait que la vérité contenue dans son livre ressusciterait dans la vie éternelle, si quelque accident la tuait sur la terre.

Dans l’été qui suivit, Mrs Shew, sa fidèle amie, fut

  1. Putnam’s Magazine, 2e série, vol. IV.