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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/299

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Directoire. Il ne sortit de chez Paul Niquet qu’à l’apparition de la police, qui avait affaire à l’un des clients. Le soleil se levait, des tas de bottes de fleurs encombraient le trottoir, l’air était embaumé.

Il passait au moins cinq nuits par semaine à errer de la sorte « comme un chien perdu », se faisant réclamer lorsque la police le ramassait, se réfugiant de lui-même au poste en cas de pluie et payant alors son écot en histoires et en chansons. Il dormait ensuite le jour, dans quelque lieu qu’il se trouvât : « Parfois, rapporte Maxime Du Camp, sur le divan de l’atelier de Théophile Gautier, j’ai vu un petit homme… pelotonné sous un plaid et dormant : c’était Gérard de Nerval, qui venait se reposer de ses pérégrinations nocturnes… J’aimais à causer avec lui lorsque je parvenais à le réveiller, ce qui n’était pas toujours facile. »

Tout à coup « le bon Gérard » disparaissait. On n’entendait plus parler de lui. Ses amis ne s’en mettaient pas en peine. C’est que l’idée lui avait pris de voyager et qu’il s’en était allé directement des Halles à Munich, ou à Rotterdam, ou plus loin encore. En dehors des commis voyageurs et des explorateurs, peu d’hommes ont fait autant de lieues que Gérard de Nerval. Il connaissait la moitié de l’Europe sur le bout du doigt, pour l’avoir arpentée dans tous les sens, et à pied, autant que faire se pouvait. Ses préparatifs de départ n’étaient pas plus compliqués que ceux des oiseaux migrateurs ; il s’envolait, libre comme l’air, léger comme lui, et arrive que pourra ! — « Te rappelles-tu, écrivait Hetzel à Arsène Houssaye, le voyage à Constantinople entrepris avec 40 francs et accompli — miraculeusement ? — T’a-t-il conté, comme à moi, ses voyages avec Dumas sur le Rhin, lui ayant, je ne sais comment, perdu Dumas je ne sais où — et l’allant cher-