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Page:Barine - Névrosés : Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval.djvu/49

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irriter. Hoffmann n’aurait pas eu besoin d’un grand effort pour prendre son idée tout à fait au sérieux, en supposant même qu’elle ne lui ait pas été suggérée par une hallucination.

Les contes où les personnages se métamorphosent d’une façon trouble et flottante, de façon que le lecteur ne sache pas au juste à quoi s’en tenir, relèvent aussi des troubles sensoriels. Dans le Pot d’or, histoire très décousue, le poète Anselmus, qui tient beaucoup d’Hoffmann, voit des êtres en chair et en os se transformer par instants en créatures fantastiques ; mais le lecteur incertain et hésitant se demande toujours si l’auteur admet que la métamorphose a vraiment eu lieu, ou s’il a voulu nous représenter les rêveries d’Anselmus et ses visions de demi-malade. Dans l’Homme au sable, dont j’ai le portrait sous les yeux, dessiné de la main de l’auteur, l’avocat Coppélius et le marchand de baromètres Coppola sont deux et ne sont qu’un, selon les caprices d’un cerveau où fermente la folie. Nathanaël est impuissant à distinguer les « images intérieures », créées par son délire, des personnes et des objets que chacun peut voir et toucher. Clara, sa fiancée, lui écrit : « Toutes ces choses effrayantes que tu nous rapportes me semblent avoir pris naissance en toi-même : le monde extérieur et réel n’y a que peu de part. » Ces paroles ne servent qu’à exaspérer Nathanaël, spectateur terrifié d’une fantasmagorie envahissante, qui n’est que trop réelle pour lui et ne lui laisse bientôt plus un seul coin de saine réalité où se réfugier.

Dans l’autre groupe de contes, une idée théorique a fourni le point de départ. Les images sont venues ensuite, tantôt coordonnées, tantôt incohérentes, selon les jours et surtout selon les heures. Hoffmann ne connaissait d’autre inspiration que ces hallucinations