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Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/164

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à cette nature par une fraîcheur, un parfum, des couleurs dont la suavité s’accordait avec les parties les plus inexprimables de son âme, cette sœur paysanne était une image de la fantaisie. Toutes les fées étaient dehors ; Silène et les bacchantes dans les vignes. Un chasseur sonnait son chien sur la lisière du bois. Dans cette journée de bonheur, l’esprit de Thérèse avait les virevoltes d’un martin-pêcheur, tout bleu, tout or, tout argent, sur un paisible étang de roseaux. Avec une cadence un peu balancée, les trois religieuses chantaient :

Sainte Sion, demeure permanente,
Sacré palais, qu’habite le grand roi,
Dans tes parvis se plait l’âme innocente,
Quoi de plus doux que de penser à toi !
Quoi de pÔ ma patrie,
Quoi de pÔ mon Sauveur.

En traversant les villages quasi déserts, où retentissaient dans les granges les coups répétés des batteurs au fléau, elles se taisaient, et par un innocent génie de comédie, pour raffermir le crédit de Léopold, elles s’appliquaient à laisser paraître sur leurs visages l’innocente joie dont elles avaient le cœur rempli. Comment la méchanceté de Vézelise troublerait-elle leur confiance ? Un temps gris, silencieux, humide, enveloppe les vergers, les