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Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/261

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terre, dans une grande salle qu’encombraient déjà des rouliers.

Pendant la nuit, un de ces hommes s’approcha d’elles, mais la Mouya, qui veillait sur les deux femmes, bondit devant et montra des dents si féroces, que l’insolent regagna, sans plus, sa paillasse.

Quelles réflexions fit Thérèse, après un tel émoi, durant sa longue insomnie ? Les mots qu’avait prononcés la Mère Supérieure lui revenaient sans cesse à l’esprit : « Toujours ou jamais. » Elle reprit les pensées qui ne la quittaient pas depuis des semaines : sa vie détournée de sa voie naturelle, la poursuite de rêves qui n’avaient peut-être aucune réalité véritable, et par-dessus tout le désir de retrouver le calme, la règle, et de se mettre en paix avec la vie qui était devant elle. À travers les fenêtres, la lune versait sa lumière dans cette salle misérable et, de temps en temps, disparaissait sous les nuages. Thérèse, les yeux grands ouverts, regardait l’astre glisser. Elle repoussait avec horreur les images sordides qui l’environnaient, et se réfugiait dans ces mystérieuses alternatives d’ombre et de clarté.

— Ah ! lune charmante, disait-elle, prends-moi, jusqu’à la bonté de Dieu, ou du moins guide ma prière auprès des