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Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/432

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ténébreux de l’enthousiasme. Rien ne rend inutile, rien ne supplée l’esprit qui palpite sur les cimes. Mais prenons garde que cet esprit émeut toutes nos puissances et qu’un tel ébranlement, précisément parce qu’il est de tout l’être, exige la discipline la plus sévère. Qu’elle vienne à manquer ou se fausse, aussitôt apparaissent tous les délires. Il s’est toujours joué un drame autour des lieux inspirés. Ils nous perdent ou nous sauvent, selon qu’ayant écouté leur appel nous le traduisons par un conseil de révolte ou d’acceptation. Allons sur l’antique montagne, mais laissons sa pensée dérouler jusqu’au bout ses anneaux, écoutons une expérience si vaste et sachons suivre tous les incidents d’une longue phrase de vérité.

Un beau fruit s’est levé du sein de la colline. Dans ce vaste ensemble de pierrailles, d’herbages maigres, de boqueteaux, de halliers toujours balayés du vent, tapis barbare où depuis des siècles les songeries viennent danser, il est un coin où l’esprit a posé son signe. C’est la petite construction qu’on voit là-haut, quatre murailles de pierres sur une des pointes de la colline. L’éternel souffle qui tournoie de Vaudémont à Sion jette les rumeurs de la prairie contre cette maison