goûte la beauté des sacrements, la splendeur de l’appareil
religieux, mais son horreur de la science, sa passion de
vérité révélée, sa contrition, son humilité, tout cela n’est au
fond, pour lui, qu’un moyen d’atteindre plus directement
une humanité meilleure, plus pacifique et plus parfaite. Verlaine
n’est pas descendu dans la lice pour défendre des
intérêts menacés, mais il avait poussé la parole de rédemption
humanitaire :
O peuple, nous t’aimons immensément[1] !
D’autres après lui l’interpréteront non dans la forme
catholique, sous laquelle il en a donné les commentaires,
mais dans l’esprit éminemment solidariste qui était le fond
de sa doctrine. Ce caractère essentiel du mysticisme verlainien
explique « le malin plaisir de la profanation, la volupté
du sacrilège » tant de fois reprochée au poète : Il n’y a ni
profanation ni sacrilège où il n’y a que l’homme. L’homme
terrestre n’attente pas à la dignité de l’homme idéal en le
mêlant aux actions de sa vie ; en lui tout est divin, corps et
âme, esprit et cœur, et Dieu ne peut s’offenser qu’on l’aime
avec tout l’être, puisque tout l’être est en lui. Le poète doit
à la chair et à l’âme des hommages égaux ; il a rempli sa
mission quand il les a l’une et l’autre honorées d’un même
enthousiasme. La perversité et le mysticisme sont les degrés
exaltés de deux penchants naturels, l’égoïsme et l’altruisme.
Leur accord réalise l’homme, et rien n’est moins contestable
si l’on considère qu’entre la perversité et le mysticisme il y
a différence de rapport et non d’origine. La perversité est un
mysticisme sensuel, le mysticisme une perversité idéaliste.
Verlaine en a réussi la synthèse. C’est là tout l’étrange secret
de son génie.
4. L’amour de l’humanité sous sa double face idéale et sensuelle est précisément ce qui distingue Verlaine de Baude-
- ↑ Sagesse, I, 12.