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VERLAINE



Il faut aussi que tu n’ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l’indécis au précis se joint[1].


Étayée par cet axiome, la langue de Verlaine est loin d’être cette langue correcte, épluchée et modérément ornée qui fait l’originalité des écrivains classiques. Certes il n’abuse pas, comme le feront ses disciples, de ces mots grandiloquents qui surprennent par leur antiquité ou leur exotisme. Les meilleurs termes sont à son sens d’un usage courant. Il suffit de savoir leur faire rendre par des associations inaccoutumées des effets inattendus. Chez Verlaine, les procédés condamnés comme des négligences sont regardés comme des moyens de beauté neuve. Et l’expérience lui donne raison. Aussi le fréquent emploi du même mot n’est pas étranger à la langueur troublante des Soleils Couchants :

Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.

La Mélancolie
Berce de doux chants
Mon cœur qui s’oublie
Aux soleils couchants.

Et d’étranges rêves
Comme des soleils
Couchants sur les grèves
Fantômes vermeils

Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
A de grands soleils
Couchants sur les grèves[2].

  1. Jadis et Naguère : Art poétique.
  2. Poèmes saturniens. Cf. encore Romances sans paroles : Ariettes oubliées, VIII.