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Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/247

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MORÉAS

et par beaucoup de leurss défauts, ce renouement de la tradition qui est le but de l’école romane ». « En vérité, avoue-t-il à la même date au hollandais Byvanck, ce que j’ai fait n’était qu’un balbutiement. Je ne parle pas de mes premières œuvres en prose que moi-même je n’ai jamais prises au sérieux, mais de mes poésies : les Syrtes et les Cantilènes. Au point où je me trouve aujourd’hui, je ne les reconnais plus comme une expression véritable de mon talent. Tout cela est fragmentaire. Même la première partie de mon Pèlerin passionné ne me plaît plus. Pour moi, le livre ne commence qu’à la page où l’influence romane se fait sentir nettement [1]. » Le symbolisme est d’ailleurs entré dans une voie qui blesse profondément son instinct de grec, sensible à la belle logique de l’hellénisme et, même en secret, vraiment épris de clarté. Le symbolisme s’est enfoncé dans l’abscons, le mystère, le rêve, l’au-delà. Les littératures nuageuses du nord ont chassé l’esprit ensoleillé d’Athènes et de Rome. Un pessimisme ténébreux remplaçait dans les âme cette glorification de la vie qu’avait enseigné le classicisme. On aboutissait à la phrase orchestrée, à l’audition peinte, à des barbarismes énormes de pensée, de syntaxe et de langue, sous l’amoncellement desquels étouffait le génie traditionnel de la phrase. Moréas crut nécessaire de réagir ; il fonda l’école romane « qui rejette toute pessimisterie et tout vague à l’âme germanique ». La nouvelle école émondera la littérature moderne des éléments barbares qui la contaminent. Elle prendra modèle sur ses véritables ancêtres, « ceux de la Renaissance et du moyen âge, lesquels sont les vrais fils et petits-fils des latins et des grecs ». Conformément à ce programme et en désaveu de ses erreurs passées, Moréas publie une édition refondue et expurgée du Pèlerin passionné. L’avant-dire de ce nouveau livre explique d’abord les changements introduits dans l’esthétique du poète. « La préface de l’édition de 1891,

  1. Poésie romane, par W. G. C. Byvanck, Mercure de France, avril 1892, p. 289-294.