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LE SYMBOLISME

œuvres où l’imitation serait moins voisine de l’esclavage. « Son instinct n’avait pas tardé, déclare-t-il lui-même, à l’avertir qu’il fallait revenir au vrai classicisme et à la vraie antiquité, ainsi qu’à la versification traditionnelle la plus sévère. »

Son parti est pris. Après quelques années de recueillement nécessaires pour réfléchir sur les intuitions de plus en plus impérieuses de son instinct, Moréas se convertit au classicisme. Avec les Stances, il fait amende honorable et, du reste très honorable, aussi bien de ses témérités rythmiques que de ses incursions dans les nécropoles de la littérature médiévale. « J’ai abandonné le vers libre, confesse-t-il, m’étant aperçu que ses effets étaient uniquement matériels et ses libertés illusoires. La versification traditionnelle a plus de noblesse, plus de sûreté, tout en permettant de varier à l’infini le rythme de la pensée et du sentiment ; mais il faut être bon ouvrier. » Le romanisme a suivi le vers libre dans le même discrédit. Déjà, en 1892, Moréas avait des doutes sérieux sur l’opportunité de ces innovations archaïques : « Sans doute, reconnaissait-il, en parlant au hollandais Byvanck de la langue du moyen âge, je vous accorde qu’à la longue c’est un peu monotone et que la syntaxe est plus que naïve. Aussi ce ne sont là que nos matériaux et c’est seulement à un certain point de vue que je regarde cette langue comme notre modèle : à nous de rendre à cette matière la vie moderne et complexe. » Le meilleur moyen de lui rendre cette vie moderne et complexe est en définitive pour Moréas de la traiter comme les autres audaces de jeunesse dont la maturité doit sourire. Moréas ne renie point l’école romane dont l’idée, à son sens, était substantielle ; mais il estime qu’elle a rempli son office. Il est inutile, « quand tout le monde revient au classique et à l’antique », d’en prolonger l’agonie.

Les Stances consacrent ce retour absolu aux principes de la vraie tradition. Le pur concept y est complètement aban-