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Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/262

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LE SYMBOLISME

résigné ; il pleuré en dedans comme un prêtre dans le cœur duquel malgré lui sommeille le doute.

2. Ephraïm Mikhaël. — C’est de tout autre cause que procède la tristesse de Mikhaël. Ce poète, mort à vingt-quatre ans, souffre de ce mal indéterminé dont sont atteints ceux que la mort doit ravir prématurément. Il est comme eux las de la vie avant de l’avoir vécue. Quand il s’interroge sur les joies de la lumière, il n’y trouve que monotomie et pressent que rien de neuf, rien d’inattendu ne viendra jamais satisfaire la curiosité de ses sens ou de son esprit. Aussi, dès que descend la nuit, a-t-il l’appréhension des lendemains qu’il lui faudra connaître et souhaite-t-il, pour échapper au rythme toujours identique de la vie, la quiétude infinie de la mort :


Je sens en moi la peur des lendemains pareils,
Et mon âme voudrait boire les longs sommeils
Et l’oubli léthargique en des eaux guérisseuses[1].


Son âme ressemble à ce paysage qu’il esquisse dans Effet de soir ; elle est remplie de brumes avec des clartés soudaines dans ce halo des soirs froids pleins de tristesse lourde. Il sombre dans un grand et morne nonchaloir, malade hanté d’implacable dégoût et il éprouve une volupté à se dire que dans la nature tout a été, tout est et tout sera toujours pareil :


Car, depuis des milliers innombrables d’années,
Ce sont des blés pareils et de pareilles fleurs,
Invariablement écloses et fanées[2].


Ce désir inapaisé et sans doute inapaisable de soleils nouveaux, de saisons inconnues engendre un incurable ennui.

  1. Effet de soir.
  2. Tristesse de septembre.