Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/432

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— Je vous demande de raisonner, non de plaisanter, dit miss Ophélia. Il est inutile que j’essaie de faire de cette enfant une chrétienne, si je ne la sauve de tous les hasards et de tous les revers de l’esclavage. Avez-vous réellement envie de me la donner ? Alors faites-moi un acte légal, une donation en forme.

— Bien, bien, je le ferai, dit Saint-Clair. Il s’assit, et déploya le journal.

— Mais je veux que la chose se fasse tout de suite.

— Qu’est-ce qui vous presse tant ?

— C’est qu’il n’y a que le présent pour agir, dit miss Ophélia. Allons ! voilà du papier, une plume, de l’encre, écrivez. »

Saint-Clair, comme la plupart des gens de son humeur, haïssait cordialement le temps présent ; et la rectitude positive et pressante de miss Ophélia lui était insupportable.

« Eh bien, qu’y a-t-il ? ne pouvez-vous donc vous en fier à ma parole ? On croirait que vous avez appris des juifs à harceler un pauvre hère.

— Je veux être sûre de mon droit, dit miss Ophélia. Vous pouvez mourir ou faire faillite, et alors Topsy serait mise à l’encan, en dépit de tous mes efforts.

— Vous êtes, en vérité, d’une merveilleuse prévoyance ! Eh bien, puisque je suis entre les mains d’une Yankee[1], il n’y a rien à faire qu’à céder. »

Saint-Clair écrivit rapidement un acte de donation ; chose d’autant plus facile pour lui, qu’il était très au fait des formalités de la loi ; — il le signa en lettres majuscules, terminées par un magnifique paraphe.

« Là ! j’espère que voilà du noir sur du blanc, miss de Vermont, dit-il, comme il le lui tendait.

— Vous êtes un brave garçon, dit-elle en souriant.

  1. Les aborigènes du Massachusetts, s’essayant à prononcer le mot english, anglais, en firent yenghese au pluriel, et yankee au singulier : de là ce surnom resté depuis aux habitants des États du Nord.