Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/465

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mâchoire, inspecta ses dents, lui commanda de relever sa manche pour montrer ses muscles, le fit tourner, sauter, courir, afin de juger son pas.

« Où avez-vous été dressé ? demanda-t-il, après toutes ces investigations.

— Dans le Kentucky, dit Tom, cherchant de l’œil un libérateur.

— Qu’y faisiez-vous ?

— Je régissais la ferme du maître.

— Probable ! quel conte ! » et il passa outre. Il fit une pause devant Adolphe, regarda ses bottes vernies, les inonda d’un énorme jet de décoction de tabac, et avec un méprisant : « pouah ! » continua sa ronde. Il s’arrêta de nouveau devant Suzanne et Emmeline. Il saisit la jeune fille, et la tira vers lui de sa main lourde et sale ; il la lui passa sur le cou, sur la taille, sur les bras ; il regarda ses dents, puis la repoussa auprès de sa mère, dont la figure pâle exprimait ses angoisses à chaque mouvement du hideux étranger.

La jeune fille, effrayée, fondit en pleurs.

Finissez-en, petite mijaurée ! dit le courtier ; on ne pleurniche pas ici. La vente va commencer. » En effet, la vente commençait.

Adolphe fut adjugé pour une assez grosse somme au jeune élégant qui l’avait pris à gré. Les autres domestiques du lot Saint-Clair échurent à différents enchérisseurs.

« À ton tour, garçon ! n’entends-tu pas ? » dit le crieur à Tom.

Tom monta sur l’estrade, et jeta autour de lui un regard inquiet.

Tous les sons se mêlent en un bourdonnement confus : — le bavardage du crieur qui énumère, en anglais et en français, les qualités de l’article, le feu croisé des enchères qui se succèdent dans les deux langues, les coups de marteau, et enfin le coup final qu’accompagne le retentissement sonore de la dernière syllabe du mot dollars,