Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/527

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Muet de rage, Legris broya le mot sous ses dents. Tom, semblable à un captif délivré de ses chaînes, parlait d’une voix claire et joyeuse.

« Maître Legris, vous m’avez acheté, et je vous serai un loyal et fidèle serviteur. Je vous donnerai tout l’ouvrage de mes mains, tout mon temps, toute ma force, mais je n’abandonnerai jamais mon âme à une créature mortelle. Que je doive vivre ou mourir, je persévérerai dans le Seigneur, et mettrai ses commandements avant toutes choses ; vous pouvez en être sûr. Je n’ai pas peur de la mort : j’aime autant mourir que vivre. Il ne tient qu’à vous de me battre, de m’affamer, de me brûler, je n’en irai que plus tôt là où j’ai soif d’aller.

— Je te ferai bien céder avant d’en finir avec toi, dit Legris furieux.

— Jamais vous ne pourrez, dit Tom ; j’aurai de l’aide.

— Qui diable t’aidera ? reprit Legris avec mépris.

— Le Seigneur tout-puissant !

— Sois damné ! » dit Legris, et d’un coup de son poing il terrassa Tom.

Une main glacée toucha la sienne. Il se retourna : c’était Cassy. Mais ce toucher froid et doux évoqua son rêve de la nuit, et toutes les horribles images du cauchemar, qui l’avait torturé, se dressèrent dans son cerveau et le remplirent d’épouvante. « Agirez-vous donc toujours comme un fou ? dit Cassy en français. Laissez-le tranquille ! Je veillerai à ce qu’il soit bientôt en état de retourner aux champs. N’est-ce pas tout juste comme je vous l’avais dit ? »

On assure que le rhinocéros et le crocodile, quoique revêtus d’une cuirasse à l’épreuve de la balle, ont cependant un point vulnérable. Chez les réprouvés les plus endurcis et les plus impies, ce point est d’ordinaire une terreur superstitieuse.

Legris se détourna, décidé à en rester là pour l’instant.