Page:Beecher Stowe - La Case de l’oncle Tom, Sw Belloc, 1878.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une république formée d’hommes choisis partout, élevés pour la plupart au-dessus de sa condition d’esclave à force d’énergie individuelle, dont l’intelligence s’est formée, s’est éclairée, toujours grâce à des efforts personnels. Cette république a traversé des temps de faiblesse et d’épreuve ; elle est arrivée à se faire reconnaître sur la surface du globe. — Elle est avouée par la France, par l’Angleterre. — Là j’irai, là est mon peuple.

« N’allez pas tous vous récrier, attendez ; avant de me jeter la pierre, écoutez-moi. Durant mon séjour en France, j’ai étudié avec un intérêt profond l’histoire de ma race captive en Amérique ; j’ai suivi les opinions, observé les débats entre les colonisationnistes et les abolitionnistes[1]. Spectateur à distance, j’ai pu me former une opinion qui serait peut-être autre si j’avais pris part à la lutte.

« Je ne nierai pas que la colonie de Libéria n’ait servi d’instrument à toute sorte de desseins contre nous ; qu’elle n’ait été une arme dans les mains de nos oppresseurs ; qu’elle n’entre dans les moyens employés pour retarder, sinon pour empêcher à jamais notre émancipation. Mais, pour moi, la question est autre. N’y a-t-il pas au-dessus des plans faits par les hommes un Dieu qui, renversant leurs projets, a peut-être, par leurs mains, et malgré eux, créé pour nous une nation ?

« De nos temps il n’y faut qu’un jour. Un peuple se dresse-t-il tout à coup, il trouve tous les grands problèmes de la vie sociale, de la vie politique et de la civilisation déjà préparés, résolus pour lui. — II n’a rien à découvrir, il lui suffit d’appliquer. Laissez-nous donc, nous serrant les uns contre les antres, réunir nos forces, marcher tous ensemble, et voir ce que nous pourrons accomplir, ayant le splendide continent de l’Afrique ouvert

  1. Ceux-ci, sans se préoccuper de l’avenir des esclaves libérés, ne voient que leur droit. L’affranchissement immédiat et sans restriction est pour eux un devoir, une religion. Les autres parlent d’affranchir successivement, et d’exporter les esclaves sur les rives de l’Afrique, à Libéria.