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Page:Binet - Les altérations de la personnalité.djvu/197

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tissement de toutes ces excitations ne soit pas entendu et remarqué ; il faut s’adresser au malade, le faire asseoir dans une pièce où on ne fait aucun bruit ; on prend ensuite sa main insensible, on la cache et on l’excite. Il est probable que le personnage inconscient qui est dans tout hystérique comprend vite la pensée de l’expérimentateur ; il entend celui-ci interroger le sujet et lui demander de penser à un chiffre ; il perçoit en même temps que l’expérimentateur fait un nombre déterminé de piqûres à la main insensible ; avec un peu de perspicacité, il doit comprendre le but de la recherche ; alors il s’y prête, et il cherche à influencer la conscience normale du sujet ; il la suggestionne à son tour, comme nous verrons plus loin, dans le chapitre VI, qu’il le fait en mainte autre circonstance ; c’est cet inconscient, je n’en doute pas, qui souffle à la conscience prime l’idée du nombre, et celle-ci reçoit l’idée sans savoir d’où elle lui vient. Nous ne croyons donc pas qu’on puisse décrire le processus comme une série d’associations d’idées ; il y a dans tout cela des actions et des réactions d’un ordre plus complexe.

Passons sur cette partie un peu obscure de la question, et arrivons au résultat final. L’idée, dont nous avons étudié l’origine, vient d’apparaître dans la conscience normale ; c’est par exemple une idée de nombre ; on a fait neuf piqûres à la main anesthésique, et le sujet a pensé au nombre neuf. Comment est-il arrivé à ce nombre ? On pourrait croire qu’il a compté les sensations ; et même, il est évident qu’il faut que quelqu’un les ait comptées pour en savoir la somme ; mais ce quelqu’un, souvent, n’est pas la conscience normale ; la conscience normale ne sait rien de tout cela ; le sujet ne peut dire qu’une chose, c’est qu’il a pensé au chiffre 9 ; une autre conscience a fait l’addition et la lui a servie toute faite ; il ne connaît que la somme.

Le sujet, ignorant l’origine de l’idée du neuf, n’hésite pas à se l’attribuer ; il a l’illusion qu’il a choisi librement ce chiffre, et il est persuadé que, s’il l’avait voulu, il aurait